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28 AVRIL 2019 – Alerte rouge sur l’engagement bénévole des seniors Par Dominique Thierry, président d’honneur de France Bénévolat.

France Bénévolat, mène régulièrement via l’IFOP, des enquêtes sur la situation du bénévolat associatif. En 2019 on peut estimer qu’il y a environ 13 millions de bénévoles dans les structures associatives, soit 24 % de la population de plus de 15 ans.

Le bénévolat est un facteur essentiel d’inclusion sociale. Dès 2015, France Bénévolat s’était inquiétée du tassement relatif constaté en 2013 pour les plus de 65 ans. Avec les résultats de 2019, il ne s’agit plus de tassement, mais de régression. Le taux d’engagement des seniors est donc passé de 38 % en 2010 à 31 % en 2019. C’est presque 0,8 point par an, d’autant plus que le phénomène semble s’être accéléré de 2016 à 2019.

En 9 ans, nous avons perdu environ 1 700 000 bénévoles chez les plus de 65 ans !

Nous donnons quatre explications principales :
– Les conséquences du durcissement des conditions de départ en retraite et d’une entrée dans le marché du travail plus difficile. Les nouveaux retraités ne sont plus les enfants des « 30 glorieuses », qui avaient à « rendre » à la société parce qu’elle avait été particulièrement « bonne » à leur égard.
– « Une certaine concurrence » entre la solidarité externe et la solidarité familiale (les nouveaux retraités sont une génération charnière et sont extrêmement solidaires de leurs ascendants, de leurs enfants et de leurs petits enfants)…
– La nécessité de continuer à travailler pour compenser des retraites, faibles ou jugées comme telles.
– Une parole collective, en priorité de l’État, extrêmement faible, voire inexistante, sur la place des seniors dans la Société.

Le bénévolat des seniors présente plusieurs finalités :

1- Un besoin d’utilité sociale Dans toutes les enquêtes menées auprès de retraités, la grande majorité des interviewés exprime le besoin d’avoir des activités socialement reconnues, de « servir à quelque chose ». C’est même souvent le choix et la mise en œuvre de ces nouvelles activités, au sein d’un nouvel équilibre de vie, qui marquent la fin du « deuil social » du travail rémunéré. L’implication des retraités dans des activités socialement utiles a donc un double effet positif : - pour eux, par le maintien ou le retissage de liens sociaux ; cela contribue à développer ce que les institutions de retraite appellent désormais « la prévention sociale globale » ; - pour la collectivité, par les effets de la solidarité, et tout particulièrement de la solidarité intergénérationnelle, au travers du bénévolat associatif

2- Le bénévolat, un moyen pour « bien vieillir », donc un enjeu économique pour limiter le coût de la protection sociale Si le bénévolat est une activité utile à la société, l’expérience de France Bénévolat montre qu’il l’est aussi pour le bénévole lui-même. Faire du bénévolat permet à un retraité de se sentir utile mais aussi de sortir de chez lui, de rencontrer de nouvelles personnes, de s’épanouir dans de nouveaux projets… et plus globalement de rester en bonne santé.

Mais, paradoxalement, les discours des institutions de retraites et des mutuelles sur « la prévention sociale globale » restent à dominante médicale et les actions proposées vont dans le même sens, pour des raisons de coûts directs du grand âge : l’aménagement du logement, pour éviter les accidents domestiques et le maintien à domicile le plus longtemps possible ; des ateliers nutrition ou hygiène de vie, pour éviter les maladies cardiovasculaires ; du sport adapté ; des « ateliers mémoires ».

3-Un catalyseur de la consolidation de la démocratie Rappelons que le bénévolat n’est pas que la ressource principale des associations (85 % de leurs ressources globales). C’est aussi, et encore plus, le facteur essentiel de l’éducation, au sens de l’éducation populaire, et le facteur essentiel de l’inclusion sociale. En ces temps où l’on s'interroge sur l'efficacité de la démocratie, il faut rappeler que le monde associatif constitue la plus large part de la démocratie contributive (celle qui s'efforce de rendre des services de bien commun) et que le bénévolat constitue son essentiel carburant.
Quatre Français sur dix font du bénévolat Pour parler clair, globalement, dans les représentations dominantes des pouvoirs publics et des systèmes de protection sociale « les vieux sont des coûts à éviter », pas des acteurs dont la société a besoin ! À tendance structurelle, il faut donc des politiques structurelles dans la durée, à moyen et long terme, qui impliquent tous les acteurs, au travers de : La nécessité d’une parole publique forte pour que les seniors soient considérés comme des acteurs sociaux à part entière dont la société a absolument besoin. Une parole relayée par les collectivités territoriales, parce qu’elles ont besoin de citoyens engagés. La nécessaire implication des entreprises pour qu’elles accompagnent leurs futurs retraités pour leur nouveau projet de vie. Elles prouveront ainsi qu’elles s’intéressent vraiment à leurs salariés, pas seulement à leur résultat et à leur cours de Bourse. Pour les bénévoles potentiels qui ont envie de passer à l’acte, la nécessité de renforcer des dispositifs éprouvés de France Bénévolat, mais en changeant de braquet.

Pour reprendre une expression familière, il faut que « tout le monde s’y colle » dans une politique volontariste, cohérente et concertée : État, Collectivités territoriales, entreprises, caisses de retraite et monde associatif.

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